M. Roldan Del Solar, éducateur à Qosqo Maki et Erick, jeune soutenu à Qosqo Maki, devant le palais Wilson © Apprentis d'Auteuil

Pérou : la prise de parole d’un adolescent en situation de rue lors de la pré-session du Comité des droits de l’enfant

En septembre, nous avons eu le plaisir d’accueillir à Genève Erick, un jeune péruvien de 17 ans et Jorge, responsable à Qosqo Maki, notre partenaire local au Pérou. Ils sont venus s’entretenir avec le Comité des droits de l’enfant* de l’ONU lors de la pré-session du Pérou, qui sera examiné prochainement par les experts. Qosqo Maki travaille de près avec des enfants et des jeunes qui, comme Erick, sont en situation de rue à Cusco. 

En juillet dernier, nous avions rendu un rapport alternatif au Comité des droits de l’enfant avec notre partenaire local Qosqo Maki et le collectif « Rendons visible l’invisible ». Durant la pré-session, Erick et Jorge ont pu échanger avec les experts et expliquer les besoins spécifiques des enfants en situation de rue et les nombreuses violations de droits dont ils sont victimes. 

« Nous sommes victimes de préjugés parce que nous sommes des enfants et des adolescents des rues. » Un jeune en situation de rue, Pérou

Aperçu général de notre rapport 

Au Pérou, il est difficile d’obtenir des données précises sur le nombre d’enfants en situation de rue, car ils ne sont pas officiellement reconnus en tant que tels. Ils sont souvent identifiés à travers les enfants déscolarisés ou ceux exerçant un travail. Selon les chiffres officiels, plus de 670’000 enfants et adolescents ne sont pas scolarisés. Ces enfants travaillent souvent et une grande partie d'entre eux sont en situation de rue, mais leur nombre total sur le territoire péruvien n’est pas connu. Aussi, nous recommandons à l’État péruvien de réaliser un recensement et une cartographie des enfants et des adolescents en situation de rue afin de pouvoir agir avec des mesures adaptées aux besoins de ces enfants.

Les enfants et les jeunes en situation de rue sont particulièrement exposés à la violence et aux gangs criminels. Malheureusement, ils n’ont souvent pas la possibilité de demander la protection de la police. Les agents de police ne connaissent pas la dure réalité de ces enfants ni leurs droits et les criminalise au lieu de les protéger. Récemment, l’État péruvien a modifié le code pénal des adolescents pour endiguer les problèmes de trafic de drogue et de délinquance. Désormais, les adolescents de 16 et 17 ans pourront être inculpés dans le cadre du système pénal en tant qu’adultes. Nous sommes très inquiets de cette situation, qui aura de graves conséquences pour la jeunesse en conflit avec la loi et en particulier pour ceux en situation de rue. 

« Nous sommes victimes d'abus et de mauvais traitements de la part des autorités, souvent la police ne veut pas nous écouter et nous place simplement en garde à vue sans avoir le droit d'être défendus » Un jeune en situation de rue, Pérou

Par ailleurs, les enfants en situation de rue ont difficilement accès à l’éducation et à une formation professionnelle. En effet, les conditions d’admission et les écoles ne sont pas adaptées à leur réalité. Certains enfants n’ont pas d’acte de naissance ou leur document d’identité, ce qui les empêche de s’inscrire dans une école publique. Le temps nécessaire pour obtenir ce document les prive d’une éducation essentielle à leur développement personnel. De plus, n’ayant pas de lieu stable, ces jeunes ont du mal à suivre le rythme scolaire, leurs préoccupations principales étant de trouver de la nourriture et un abri. Contrairement au gouvernement péruvien, Qosqo Maki propose une éducation alternative, où les jeunes en situation de rue apprennent des compétences de vie à travers leurs interactions, offrant ainsi un apprentissage mieux adapté à leur réalité.

Après ces discussions entre société civile et experts des droits de l’enfant, nous attendons désormais l’examen du gouvernement péruvien, prévu pour début 2025, afin de connaître les recommandations finales du Comité des droits de l’enfant à l’État péruvien. 

 

 

*Qu’est-ce qu’est le Comité des droits de l’enfant ?

Un organe composé de 18 experts chargés de surveiller le respect de la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989 par les États parties. Le Comité examine régulièrement ces États, qui doivent présenter un rapport sur la situation des droits de l’enfant dans leur pays.