Journée internationale des droits de l’enfant : quelles réalités pour les enfants en situation de rue ?

Le 20 novembre marque le jour de l’adoption de la Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE), signée en 1989. Traité international le plus largement ratifié de l’Histoire, la CIDE contraint les Etats signataires à mettre en place des lois et des politiques publiques pour la réalisation des droits de l’enfant. Malgré cela, la ratification ne se traduit pas forcément par le respect et une avancée de ces droits pour les enfants vulnérables, c’est le cas notamment pour les enfants en situation de rue, absents de la Convention. A l’occasion de cette journée, nous partageons les témoignages de nos partenaires à propos de leur engagement sur le terrain pour garantir ces droits fondamentaux.

Aujourd’hui, nos partenaires aux deux Congos, le REEJER (Réseau des éducateurs des enfants et jeunes de la rue) en République Démocratique du Congo (RDC) par vidéo et le REIPER (Réseau des Intervenants sur le Phénomène des Enfants en Rupture) au Congo-Brazzaville témoignent de la réalité des enfants en situation de rue dans leurs pays et du travail de prévention et de sensibilisation qu’ils effectuent pour permettre aux enfants de réintégrer leur milieu familial et éviter que d’autres enfants se retrouvent à la rue.

Les enfants en situation de rue, des réalités multiples

De manière générale, le REIPER considère qu’un enfant est en situation de rue lorsqu’il dort en dehors d’un foyer familial et sans supervision d’un adulte. Toutefois, comme nous l’explique Joseph Likibi, coordinateur du REIPER, le terme « en situation de rue » regroupe en réalité différentes situations. Certains enfants vivent dans la rue indéfiniment et sont en rupture totale avec leur famille alors que d’autres quittent le foyer familial pour une période déterminée. Dans ce cas-là, les enfants qui se tournent vers la rue, souvent dans l’idée de gagner de l’argent, ont l’intention de rentrer chez eux un jour.

Un processus d’exclusion sociale

Arriver dans la rue est le fait de différents processus d’exclusion sociale, propres au contexte familial, politique et culturel. Selon le REIPER, les difficultés économiques sont une des causes principales de cette exclusion. Le manque de ressources financières pousse les parents à l’abandon de leur enfant. L’enfant n’a plus d’autres solutions que de se tourner vers la rue et de subvenir à ses propres besoins. A cela, peuvent aussi s’ajouter les conflits entre les parents et la rupture du noyau familial. En RDC, Rémy Mafu, coordinateur du REEJER, rappelle le phénomène des enfants dits « sorciers », désignés par des Eglises de Réveil comme portes malheurs de la famille. Tenus responsables des problèmes rencontrés, ils sont rejetés par leur famille et se retrouvent à la rue.  Rémy Mafu souligne enfin les dégâts des conflits qui déchirent l’Est du pays depuis une vingtaine d’années et qui augmentent le nombre d’orphelins.

Les privations de droits engendrées par la vie dans la rue

Une fois à la rue, ces enfants se trouvent privés des possibilités d’accéder aux opportunités de développement. Comme l’explique Joseph Likibi, « ce sont des enfants dont l’existence sociale est niée ; ils sont dépourvus de l’exercice de leurs droits parce qu’ils sont invisibles pour les décideurs ».

Au Congo-Brazzaville, beaucoup d’enfants ne sont pas enregistrés auprès des autorités. Appelés « enfants fantômes », il s’agit pour la majorité d’enfants vivant en marge de la société dite formelle, comme les enfants vivant dans la rue ou les enfants autochtones issus de familles de pêcheurs – cueilleurs, nomades ». Ces enfants ne sont pas reconnus comme « sujets de droits » nous explique Joseph Likibi, car les recensements à vocation d’état civil des autorités ne prennent pas en compte cette catégorie de la population. De ce fait, l’invisibilité des enfants vulnérables les prive d’autres droits fondamentaux tels que le droit à la santé (art. 24) et à l’éducation (art. 28).

« Un problème de la communauté, une réponse de la communauté », un travail de sensibilisation aux droits de l’enfant

Afin de prévenir le phénomène des enfants en situation de rue et de promouvoir leurs droits, nos partenaires ont mis en place des programmes d’action englobant les familles ainsi que les communautés. Pour Rémy Mafu, il s’agit d’informer la communauté afin d’identifier les enfants vulnérables et de trouver des solutions collectives pour garantir la réalisation de leurs droits fondamentaux, à commencer par le droit à être protégé contre toute forme de violence (art. 19) et le droit à un logement (art. 27). A Brazzaville, le REIPER mène, d’une part, des activités de sensibilisation et de formation sur les droits de l’enfant auprès de la communauté et des acteurs en lien direct avec les enfants en situation de rue (orphelinats, écoles, services de police, etc.). D’autre part, les associations membres du REIPER accompagnent les familles pour renforcer leurs fonctions éducatives dans le but de réinsérer des enfants vulnérables et de les appuyer afin d’éviter que leurs enfants ne se retrouvent à nouveau en situation de rue.

Vers la réalisation de la Convention pour les enfants en situation de rue ?

Chaque année, le REIPER organise des tables rondes avec les autorités publiques afin qu’ils s’engagent davantage pour faire respecter les droits édictés dans la CIDE. De la même manière, nos deux partenaires participent à l’Examen Périodique Universel (EPU) à l’ONU de leurs Etats respectifs, la RDC et le Congo-Brazzaville et émettent des recommandations pour la mise en œuvre des droits des enfants.

Ces actions de plaidoyer sont encore d’autant nécessaires dans le contexte de la crise sanitaire actuelle. A Kinshasa, le REEJER alerte sur l’augmentation préoccupante du nombre d’enfants dans la rue, sans réponse de la part de l’Etat. Le REIPER déplore, quant à lui, la banalisation des violations des droits fondamentaux des jeunes de la rue. Ces derniers sont d’avantage exposés aux risques de celle-ci, comme la détresse psychologique, l’exclusion des services essentiels de santé et la violence. Aujourd’hui plus que jamais, il est impératif de redoubler d’efforts pour protéger et faire avancer les droits de l’enfant.