Les nouveaux enjeux de l’accompagnement des jeunes au Cameroun

Contexte socio-économique du Cameroun

Aussi appelée la porte d’entrée pour l’Afrique centrale, la ville de Douala est la capitale économique du Cameroun. Cette ville attire des populations venues de toutes les régions du pays ainsi que des états voisins, en quête d’opportunités économiques. Et pour cause, le Cameroun enregistre un des taux de chômage le plus faible du continent. Cependant, ce succès économique entraîne de nouveaux défis pour ce pays.  En effet, la transformation démographique de la ville - que ce soit en termes de concentration de population, de classe d’âge ou de mixité culturelle - a entraîné une importante déstructuration des mécanismes traditionnels de solidarité.

Bien que l’indice de progrès social soit en constante évolution positive, 37,5% de la population camerounaise vit encore sous le seuil de pauvreté selon la Banque Mondiale. De plus, le faible niveau des rémunérations est une des causes maintenant de nombreux ménages dans une situation de pauvreté. Cette situation socio-économique difficile a d’importantes répercussions sur la qualité de vie et la prise en charge des enfants au sein des familles. « La situation de l’enfant de la rue est toujours liée à la famille, c’est le point de départ. Beaucoup de familles sont désarmées et nous abandonnent leurs enfants… » explique le Père Martin, Responsable des programmes de la Chaîne des Foyers Saint Nicodème, notre partenaire local.

Au Cameroun, les enfants en situation de rue sont une préoccupation humanitaire majeure depuis des années. L’escalade de la crise dite "anglophone", les migrations importantes et la crise sanitaire ont contribué à l’augmentation drastique du phénomène des enfants en situation de rue. Au cours des 10 dernières années, ces jeunes sont passés d’environ 1 000 à plus de 10 000 dans tout le pays. A Douala, ces enfants dépendent principalement de la mendicité et du travail du sexe pour survivre.

« Quand je vois l’immensité de ce que nous avons à faire, je dirais que nous n’avons même pas 10% des moyens (…) C’est celle-ci notre réalité. » témoigne le Père Serge, Directeur de la Chaîne des Foyers Saint Nicodème.

Notre action aux côtés de nos partenaires

Depuis 2018, la FAAI accompagne ses partenaires camerounais afin de les soutenir dans leurs efforts pour apporter une réponse multidimensionnelle à ces problématiques. Elle travaille avec la Chaîne des Foyers Saint Nicodème (CFSN) sur deux projets focalisés sur l’insertion familiale et l’insertion socio-professionnelle des jeunes vulnérables. Grâce à son expérience, la CFSN est une association ayant déjà accompagné plus de 6000 enfants vers la réinsertion familiale ou professionnelle.

Le centre PK24 est un lieu d’accueil de stabilisation et de scolarisation qui prend en charge des enfants et jeunes en situation de rue et/ou sortant de prison. L’objectif est de resocialiser l’enfant afin qu’il puisse être scolarisé ou suivre une formation professionnelle et ainsi s’intégrer durablement au sein de la société camerounaise. Sa particularité réside dans sa qualité de centre agricole permettant à ces enfants ayant vécu des situations traumatisantes de se stabiliser, se reconnecter à la nature mais aussi se responsabiliser à travers des activités pédagogiques. Les activités agropastorales constituent un véritable enjeu éducatif. Les jeunes apprennent et reprennent confiance en s’impliquant au service de différentes activités notamment la pisciculture, la porcherie, l’aviculture, la culture maraichère, la bananeraie et la palmeraie. Les jeunes y restent généralement un an avant de rejoindre un autre centre de la Chaîne des Foyers Saint Nicodème spécialisé en insertion socio-professionnelle.

Les filles et jeunes femmes sont les premières victimes de la misère sociale et économique. Elles se retrouvent souvent très jeunes sur le marché du travail et sans qualifications. En découle une forte dépendance économique vis-à-vis du conjoint ou de leur famille. Pour répondre à cette problématique, le centre de formation professionnelle Nyalla de la Chaîne des Foyers Saint Nicodème offre un accompagnement vers l’autonomisation socio-professionnelle des filles et jeunes filles-mères. Le centre Nyalla propose des formations pour leur permettre de lancer leurs propres activités ou intégrer des entreprises dans les domaines de la couture, du stylisme, de la coiffure-esthétique, et de la restauration

Nouveaux défis dans l’accompagnement des jeunes et résilience

Les travailleurs sociaux et éducateurs camerounais doivent encore faire face à l’évolution des profils de leurs bénéficiaires. C’est notamment le cas du phénomène des enfants dits « sorciers ». Au cœur de situations familiales et économiques difficiles, ces jeunes sont désignés par des membres de leur communauté comme la source de malheur de leur famille. Il survient bien trop souvent que l’entourage familial de ces enfants dits « sorciers » les rejettent vivement en les abandonnant à leur sort.

Ces jeunes ont un parcours de rue similaire aux autres enfants mais ont subi des violences psychologiques et une exclusion bien spécifique à cette problématique. Ces antécédents ne peuvent être identifiés qu’à travers des échanges tenus en toute confiance avec les travailleurs sociaux. La mise en place de ce précieux climat de confiance est déterminante pour la qualité des résultats du travail éducatif mené par les travailleurs sociaux auprès des jeunes vulnérables.

Afin de soutenir les éducateurs et les formateurs faisant face à l’évolution des défis éducatifs qui se présentent à eux, la FAAI a lancé en 2020 son projet « Les Carnets Numériques du travail social ». Ces carnets sont un dispositif de formation en ligne créé par des experts de la protection de l’enfance et sont nourris de l’expérience de structures qui les prennent en charge. La première formation porte sur l’accompagnement des Mineurs Non Accompagnés (MNA) et est déjà disponible en ligne. La formation portant sur les Enfants en Situation de Rue (ESR) sera disponible en 2022 et permettra aux structures de prendre des mesures appropriées pour toujours garantir un accompagnement personnalisé pour chaque jeune accueilli.

Comme en témoigne le Père Serge, directeur de la CFSN, les enfants sont au cœur de leur action: « Les premières personnes à qui je rends des comptes, ce sont les jeunes ! C’est un travail altruiste, où l’on donne tout. Je vois tout ce que les éducateurs donnent, souvent au-delà de leurs propres engagements personnels. Ils sont là pour ces autres enfants ». Les projets menés avec la CFSN sont fondamentaux pour une prise en charge adaptée des enfants en situation de rue mais également pour la réduction du phénomène à terme dans la région « si nous continuons dans cette même dynamique, nous allons peser dans l’échiquier local (…) : C’est notre ambition ! » conclut le directeur de la CFSN.