Réunification familiale, ORPER, RDC (c) Apprentis d’Auteuil
Réunification familiale, ORPER, RDC (c) Apprentis d’Auteuil

De la rue à la famille : l’accompagnement vers la réunification familiale

Chaque 15 mai, la Journée internationale des familles nous rappelle le rôle central que joue la famille dans le développement, la protection et le bien-être des enfants. Elle invite également à réfléchir aux situations où ces liens sont fragilisés et rompus. 

Ce rappel fait écho à l’article 9 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), qui reconnaît à chaque enfant le droit de vivre avec sa famille, entretenir des relations personnelles et des contacts réguliers avec ses parents, sauf si cela va à l’encontre de son intérêt supérieur. La CIDE souligne également l’importance du soutien à apporter aux familles pour leur permettre d’assumer pleinement leurs responsabilités parentales, un soutien qui incombe en premier lieu à l’État, garant des droits de l’enfant. 

Pourtant, ce droit est bafoué pour de nombreux enfants dans le monde, notamment pour les enfants en situation de rue, souvent éloignés de leur famille à cause de violences, de pauvreté, de rejet ou d’abandon, parmi d'autres facteurs. Dans cette réalité complexe, la réunification familiale constitue un enjeu majeur. Sur le terrain, au sein des structures de nos partenaires, les éducateurs jouent un rôle déterminant par leur présence et leur engagement en permettant parfois à certains enfants de renouer des liens avec leur famille.   

Toutefois, la réunification familiale n’est pas toujours possible. Certains enfants en situation de rue maintiennent des contacts, plus ou moins réguliers et intenses, avec leurs proches malgré leur passage en rue, tandis que d’autres restent en rupture totale, rendant toute perspective de retour en famille extrêmement difficile.  

Il est également important de souligner que la famille ne constitue pas toujours un environnement sécurisant pour l’enfant. Certaines familles sont elles-mêmes sans abri ou présentent des dynamiques de maltraitance et violence pouvant nuire gravement au bien-être de l’enfant. Dans ces cas, des alternatives sont envisagées par nos partenaires, notamment le retour de l’enfant dans sa famille élargie.  

Avant chaque réunification, une évaluation est faite pour vérifier si la famille est en mesure d’accueillir l’enfant dans des conditions stables. Ce travail inclut le renforcement de la cellule familiale, particulièrement lorsque la pauvreté est à l’origine de la séparation. En revanche, lorsque les causes sont d’ordre relationnel ou liées à des conflits familiaux profonds, la médiation devient plus complexe et nécessite un accompagnement et soutien psychosocial sur le long terme. 

La réunification des enfants issus de familles en grande précarité ne peut se faire sans un accompagnement adapté, sans quoi les causes profondes de la séparation risquent de perdurer et de compromettre un retour durable en famille. Conscients de cet enjeu, nos partenaires locaux, même avec des moyens limités, se mobilisent pour apporter un soutien matériel et financier aux familles concernées. Cela peut prendre la forme de dons ponctuels, de microcrédits pour lancer une activité, ou encore de la prise en charge des frais scolaires et des fournitures. Parfois, même après la réunification, les centres poursuivent leur accompagnement pour renforcer les liens familiaux et prévenir une nouvelle rupture. 

Les obstacles à la réunification familiale  

La réunification familiale se heurte parfois à une série d’obstacles. Certaines médiations échouent en raison de résistances persistantes de la part des enfants ou de leur famille. Les rancœurs liées au passé, les conflits familiaux non résolus, le souvenir de mauvais traitements subis par l’enfant ou encore le fait que certaines familles considèrent leur enfant comme ingérable ou ne s’estiment pas capables de l’assumer financièrement rendent toute tentative de réintégration extrêmement délicate. Parmi les obstacles on retrouve aussi la croyance, profondément ancrée dans certaines familles, au caractère sorcier de l’enfant. Cette stigmatisation, entraîne leur rejet. 

Certains enfants peuvent refuser la réunification préférant rester au centre, où ils trouvent des conditions de vie plus stables, voire plus protectrices que dans leur milieu familial d’origine. Dans certains cas, l’accoutumance à la vie en rue, les traumatismes psychologiques, ou encore l’absence de lien affectif solide sont des facteurs majeurs qui compliquent davantage la démarche. Ces situations soulignent l’importance d’un accompagnement global, non seulement pour l’enfant, mais aussi pour sa famille. Sans un appui social, économique et psychologique adapté, les chances de succès de la réunification restent faibles. De plus, face à des contextes aussi sensibles, qui requièrent une médiation familiale approfondie, l’intervention de personnels éducatifs formés à l’accompagnement psychosocial est indispensable pour aider les familles à dépasser les préjugés et restaurer des relations durables.  

Ce travail de réintégration, fondé sur un accompagnement personnalisé et une étroite collaboration entre la structure, l’enfant et sa famille, est au cœur de notre mission visant à offrir à chaque enfant un chemin vers un avenir plus serein, ancré dans des repères solides et une protection familiale stable et sécurisante. 

Les témoignages du terrain : Cameroun

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Nos partenaires camerounais œuvrent quotidiennement pour accompagner les enfants en situation de rue vers une possible réunification familiale. Lors de la mission au Cameroun de la responsable du plaidoyer et de la communication de la FAAI pendant le mois de février, nous avons rencontré deux figures engagées de ce travail : le Père Serge, directeur de la Chaîne des Foyers Saint-Nicodème (CFSN), et le Père Tobian, directeur du Foyer de l’Espérance. À travers leurs témoignages, ils nous ont partagé les réalités du terrain, les méthodes d’accompagnement mises en place, ainsi que les nombreux défis mais aussi les espoirs, liés à la reconstruction du lien familial.  

Le Père Tobian  a souligné la difficulté d’entrer en contact avec certaines familles, dans un contexte social déjà très fragile dans le pays. De son côté, le Père Serge a insisté sur la peur et l’incertitude qui habitent souvent les enfants à leur arrivée dans les foyers. Recréer une relation avec la famille exige patience, confiance et médiation. Lorsque cela est possible, l’équipe organise des visites progressives, des échanges réguliers et favorise l’implication des familles dans le parcours de l’enfant. Un travail délicat qui ne peut se faire que si l’enfant est prêt et capable de retrouver ses proches.  

“C’est un moyen de garder le lien avec les familles. C’est un travail laborieux mais important car peu à peu ces visites deviennent une habitude.” 

Cependant, dans certains cas, les enfants ne disposent d'aucune information sur leur famille, rendant toute identification impossible. L’histoire d’Issa, racontée par le Père Serge, incarne la complexité et l’espoir de ces parcours de réunification. Accueilli très jeune par le foyer, sans aucune information sur sa famille, il a été accompagné pendant de nombreuses années. C’est à la suite d’un accident que ses proches ont finalement été retrouvés. Aujourd’hui, Issa vit auprès de sa famille et vient de passer son Brevet de Technicien Supérieur (BTS) en gestion hôtelière. Son histoire illustre avec force la possibilité de renouer des liens familiaux même après une longue rupture. 

Les témoignages du terrain : République Démocratique du Congo

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À Kinshasa, l’association Lisanga mpo ya Bokolisi Mboka s’appuie sur 20 ans d’expérience auprès des enfants en situation de rue. Elle a mis en place une approche globale, couvrant l’intervention de terrain, l’accueil en centre, les démarches de réunification familiale, les outils de stabilisation post-réunification, ainsi que les étapes essentielles du travail éducatif. 

Bien que confrontée à de nombreux défis, notamment la mobilisation de ressources humaines et financières, en particulier pour les réunifications qui nécessitent parfois des déplacements sur plusieurs centaines de kilomètres dans un pays aussi vaste que la RDC, l'association enregistre des résultats globalement positifs, selon ses responsables. De nombreux témoignages viennent attester de réussites concrètes en matière de réunification familiale. 

Parmi eux, l’histoire de Anna, une jeune fille de 15 ans qui a été rencontrée par l’équipe du centre alors qu’elle vivait dans la rue. Abandonnée par sa mère et ignorée par son père, elle avait été confiée à son grand-père, déjà en charge de plusieurs autres enfants. En quête d'identité et de repères, elle a cherché à retrouver son père, jusqu'à se retrouver contrainte de mendier pour survivre. C’est un agent administratif qui l’a finalement orientée vers le centre. 

À son arrivée, Anna exprimait une profonde souffrance psychologique, marquée par une crise d’identité. L’équipe du centre l’a accueillie, écoutée et accompagnée, en tenant compte des répercussions de cet abandon. Aujourd’hui, grâce au travail de réunification engagé par les éducateurs, la famille d’Anna a été retrouvée. Elle suit une formation en couture et continue à bénéficier d’un suivi régulier, avec une attention particulière portée à son bien-être émotionnel durant cette phase essentielle de stabilisation en famille.