Zoom sur les enfants en situation de rue à Tananarive

A Antananarivo, capitale de Madagascar, on estime à environ 23 000 le nombre d’enfants en situation de rue, toutes catégories confondues (seuls dans la rue, ou en famille dans la rue, pendant journée ou la nuit). Ces enfants sont particulièrement vulnérables et n’ont pas accès à leurs droits fondamentaux tels que la santé, l’éducation, la nourriture ou la sécurité. Nombreuses associations œuvrent chaque jour pour accompagner ces enfants et tentent de changer durablement cette problématique.

A travers le projet Sandratra, la FAAI se mobilise aux côtés de quatre partenaires malgaches (Graines de bitume, HARDI, le centre NRJ et MANDA) qui prennent en charge chaque année environ 1000 enfants et jeunes en situation de rue à Tananarive.

Dans le cadre de ce projet, une étude socio-anthropologique a été pilotée pour avoir une meilleure compréhension des situations que vivent ces enfants, des urgences auxquelles il est nécessaire de répondre, et des leviers clés pour une amélioration sensible et durable de leur situation.

Cette étude,* basée sur un recueil de témoignages au plus près du terrain entre les mois de juin et août 2021 dans les rues de Tananarive, nous livre les principales conclusions sur la dure réalité qui touche les enfants en situation de rue. Les principaux résultats de l’étude sont désormais accessibles en ligne.

 

Les enfants sont victimes de violences quotidiennes, et en particulier de violences sexuelles

Parmi les enfants interrogés, 41% ont déjà subi des violences physiques, et pour 23% d’entre eux, ces violences sont répétées et fréquentes. Les agressions sexuelles sont courantes et 25% des enfants connaissent une personne qui a subi un viol, majoritairement des jeunes filles mineures. Très peu de cas sont signalés à la police et même lorsqu’ils sont signalés, il n’y a pas toujours de répercussions, même lorsque le coupable est connu.

« Je suis née dans la rue, et je vis dans la rue, toute mon enfance s’est passée dans la rue. Quand je dormais dans la rue, j’ai été victime de viol. Cela m’est arrivé quand j’avais 14 ans. C’était un voyou qui a abusé de moi. Un voleur je crois, il m’a forcé, il m’a violé ! Il m’avait promis de se marier avec moi. Mais après l’acte, il s’est enfui et je ne l’ai jamais revu. Alors j’ai changé de place pour mendier et chercher de l’aide. Des gens du « gastro » (gargote) m’avaient dit de me placer ici, là où vous m’avez trouvée. Quand ce garçon m’a violée, je n’avais pas encore commencé à avoir mes règles et je pensais que je n’aurais jamais d’enfants », témoigne la jeune femme de 21 ans, née dans la rue de mère mendiante.

 

Les besoins primaires des enfants ne sont pas satisfaits, dont le fait de manger à sa faim ou de maintenir une hygiène de base

Les enfants survivent principalement de petits travaux informels (petit commerce, porteur de bagage, de biens ou d’eau, lessiveur, gardien de parking). Les entrées d’argent sont imprévisibles ce qui impacte directement leur capacité à se nourrir : « Il y a des jours où nous ne mangeons rien du tout surtout durant la journée. Quand je n’ai pas d’argent, je mendie ou je fouille les ordures pour trouver de quoi manger », explique une jeune fille de 13 ans seule dans la rue, lessiveuse et porteuse d’eau.

« Parfois je ne trouve pas à manger, c’est mon problème le plus fréquent. J’ai faim et tout de suite je m’évanouis. Dans ce cas, je cherche dans les poubelles », raconte une autre jeune fille mendiante de 11 ans qui habite avec ses parents.

 

Les enfants des rues sont victimes de stigmatisation, comme d’une caste de sous-hommes (ou sous-femmes)

Les enfants des rues sont régulièrement traités de « sales », de « pauvres », de « paresseux », de mendiants, d’impolis, de voleurs, de « moins que riens », les filles sont harcelées et traitées de prostituées. Face à ces insultes, ils se sentent méprisés et « tristes ». Être rabaissé est la première chose que les enfants disent ne pas aimer dans leur vie.

« Des gens nous considèrent comme des quatre-mi, des gens sales, des voleurs. Pourtant je n’ai jamais volé quelque chose à quelqu’un. Ils nous rabaissent et nous insultent avec des gros mots. Nous sommes tous victimes de ces insultes en vivant dans la rue, moi et les autres enfants. Ils ne veulent pas se rapprocher de nous parce qu’ils disent que nous sommes sales… et que nous avons des odeurs nauséabondes », confie une jeune fille de 16 ans qui a toujours vécu dans la rue.

Cette étude permet de compléter les données existantes en ce qui concerne les problématiques qui touchent les enfants en situation de rue et leurs familles à Madagascar et permettre d’améliorer la prise en charge des enfants.

Le projet Sandratra a pour objectif de restaurer l’accès aux droits fondamentaux de ces enfants. Cette étude est fondamentale pour notre travail d’accompagnement auprès de nos partenaires locaux pour mener des actions de plaidoyer en faveur des droits de l’enfant.

Ainsi, cette étude servira à développer une stratégie de plaidoyer à destination des acteurs institutionnels. Cette démarche a pour objectif de réduire le phénomène des enfants en situation de rue à l’aide de politiques publiques de prévention et de prise en charge de ces enfants. Ce travail de plaidoyer se fait en étroite collaboration avec la Plateforme de la Société Civile pour l’Enfance (PFSCE) basée à Madagascar

 

* Menée par Amber Cripss