Ephrem, Ronaldo et Elia devant l'ONU ©Apprentis d'Auteuil

Des rues de Madagascar au Conseil des droits de l’Homme : Ronaldo et Elia prennent la parole

En marge de la Journée internationale des enfants en situation de rue (12 avril), deux enfants ayant connu les rues de Madagascar sont venus à Genève pour témoigner de leur vécu aux Nations Unies. Les deux jeunes ont pris la parole lors de la Journée annuelle sur les droits de l’enfant du Conseil des droits de l’Homme, qui portait sur la protection sociale inclusive. Récit de cette aventure extraordinaire par Ronaldo et Marie Elia, 13 ans.

Des rues de Madagascar à Genève

Je m’appelle Ronaldo, j’ai 13 ans et je vis au Centre NRJ*. Avec Elia, nous avons vécu dans la rue avant d’aller vivre au Centre. Pour la première fois, nous avons pris l’avion et nous sommes venus à Genève pour faire passer des messages aux autorités sur la situation des enfants à Madagascar. Les droits de tous les enfants devraient être égaux, qu’ils soient dans la rue ou non.

Ça n’a pas été simple de venir car il y a quelques mois encore, nous n’avions même pas de certificat de naissance. Nous avons aussi pris le temps de bien nous préparer avant le voyage avec les éducateurs. Les autres enfants nous ont aidé à porter les messages. Seuls, nous n’aurions pas pu y arriver. A Genève, on s’est entrainé à prendre la parole en public pour être à l’aise et préparer nos discours.

Mon discours aux Nations Unies

Le 14 mars, à l’ONU, j’ai fait un discours au Conseil des droits de l’Homme : j’ai parlé devant une salle remplie de diplomates et de personnes qui travaillent pour les Nations Unies comme l’UNICEF. J’ai eu un petit peu peur, mais après j’ai bien respiré et ça allait mieux. J’ai demandé aux Etats de soutenir les enfants comme nous, les centres et les familles : 

« Je représente aujourd’hui les enfants qui vivent dans les rues d’Antananarivo, à Madagascar. Nous y travaillons, nous y dormons souvent seuls, parfois avec des amis parfois en famille.

Nos parents veulent nous offrir le meilleur, nous éduquer et nous envoyer à l’école comme les autres enfants. Mais comment pourraient-ils s’ils n’ont pas les moyens d’avoir une maison ? De nous nourrir ? De nous soigner quand nous sommes malades ?

Comment pouvons-nous rêver au futur alors que nous sommes obligés de vivre et dormir autour des poubelles de la ville ?

Nous avons l’impression que nous n’avons pas les mêmes droits que les autres enfants. Il y en a qui ont le droit à tout, et nous à rien.

Expliquez-nous comment l’Etat nous protège alors que nous avons peur de ce qui nous arrive dans la rue, dans les marchés où nous dormons.

Comment l’Etat peut-il garantir nos droits ? A avoir une identité, des vêtements, une maison, aller à l’école gratuitement et vivre dignement et en bonne santé ?

Peut-il nous aider ? Aider nos parents et les centres qui nous soutiennent ? »

 

Nous avons aussi pu parler avec d’autres enfants qui ont pris la parole ce jour-là, comme une jeune défenseuse des droits de l’enfant au Pérou : chez Sheyla, les droits de l’Enfant ne sont pas suffisamment respectés non plus. Elle représente les enfants de chez elle aussi.

De retour à Madagascar, je raconterai aux enfants tout ce qu’on a vu, des gens qui sont haut placés, plus hauts placés que nous, mais qui ont fait une réunion qui parle de nous, qui parle des enfants des rues. 

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Ronaldo et Marie Elia dans la salle des Nations Unies ©Apprentis d'Auteuil

Lors de cette journée, Ronaldo et Elia ont été suivis par une journaliste pour un reportage au journal du soir de Léman Bleu, la télévision locale à Genève :  retrouvez la journée en images ici.

A la suite de cette discussion, les Etats ont adopté par consensus une résolution qui les engage à mettre en œuvre une protection sociale inclusive pour tous les enfants, y compris ceux en situation de rue. Ce texte est une avancée dans la prévention du phénomène des enfants en situation de rue, ainsi que dans la promotion de leurs droits : sans soutien des Etats, ces enfants n’ont pas accès aux soins de santé, à un logement, à l’éducation, etc. Le texte comprend également une nouvelle section qui renforce les capacités des Nations Unies à faire progresser l’intégration des droits de l’enfant dans l’ensemble du système onusien.

L’adoption de ce texte envoie un signal fort quant à la nécessité d’augmenter les efforts des Etats pour assurer une protection sociale aux enfants, notamment ceux en situation de rue qui sont les grands oubliés des services étatiques.

*Le Centre NRJ fait partie de nos 5 partenaires malgaches. Ensemble, nous menons le projet « Sandratra » qui vise la réinsertion des enfants en situation de rue à Madagascar.